«Notre façon de regarder la nature définit notre façon de la traiter»
David Suzuki (1936)
Être consciente des effets hyper positifs de la nourriture et de la nature sur ma vie m’a conduite vers un projet magnifique: la création d’un jardin forestier organique permanent. Depuis mon arrivée dans les terres agricoles, je rêve d’y voir une campagne saine, une nature laissée à elle-même.
Un soir, je tombe sur une émission de télé parlant de permaculture : c’est exactement le reflet du paradis espéré. Le terme «permaculture» vient de la fusion des mots «permanent» et «agriculture». Le concept est né du constat suivant: pour survivre, une source renouvelable de nourriture et le respect de la terre sont nécessaires. Or, dans nos systèmes industriels, nous n’avons ni l’un ni l’autre. La permaculture imite la nature en reliant les humains, les animaux, les bâtiments et la nature de façon à ce que les déchets des uns deviennent les ressources des autres. Le concept peut sembler compliqué, mais il est beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Et à terme, cultiver de cette manière requiert beaucoup moins d’efforts! Les permaculteurs sont même perçus comme des paresseux... intelligents!
L’environnementaliste David Suzuki affirme que c’est présentement ce qui se fait de plus important sur la planète. Selon lui, la permaculture est la solution de demain. Les monocultures de masse qui occupent le peu des terres qu’il nous reste sont non naturelles et nocives pour plusieurs raisons: à cause, entre autres, des pesticides utilisés et de la disparition des insectes qu’ils entraînent. Par ailleurs, nous avons besoin d’arbres pour nous oxygéner et aussi d’agriculture biologique diversifiée pour nous nourrir ainsi que pour abriter toutes les espèces animales et d'insectes dont nous avons besoin tel que les abeilles, d’importants pollinisateurs pour nos cultures et notre survie. Elles ne peuvent polliniser en terrain de monoculture et sont également menacées par les pesticides. Nous savons que si elles disparaissent, nous suivrons.
Par ailleurs, il est inquiétant de savoir que si l’on coupait les importations de nos grandes villes, nous aurions une autonomie alimentaire de quelques jours seulement. Dans cette perspective, il est vital que nous fassions un compromis entre les grandes cultures industrielles et les jardins écologiques diversifiés.
Et si simplicité rimait avec efficacité? Et si, du côté écologique aussi, nous n’avions pas à "performer" pour bien vivre? Il existe, par exemple, quelques jardins autonomes au Québec et plusieurs autres dans le monde. Les principes utilisés sont les suivants: un design réfléchi, des prairies fleuries, des plantes sauvages en vie, une terre vivante sans pesticides, un entretien simple, un sol oxygéné et fertile dont les engrais sont organiques (en réfléchissant logiquement, le sol est d'autant important que la graine! s'il est riche, ce qu'il nourrira le sera!), un beau paysage utile, des aliments nourrissants qui y poussent (par opposition aux aliments vidés de leurs vitamines et nutriments lorsqu’ils sont arrosés) ainsi que des herbes médicinales. La chaîne suivante est respectée: terre-plantes-animaux-hommes-terre. Tous les participants, jusqu’à l’infiniment petit (bactéries, champignons, etc.), sont importants. L'homme stimule les processus. Vu ainsi, n’est-ce pas de la poésie?
Revenons à un de nos jardins permanents québécois. Les gens y vont pour se ressourcer. Chacun donne ce qu’il peut et à son rythme. La propriétaire demande seulement une contribution quelconque. Les invités sont respectés pour ce qu’ils sont. Contre toutes attentes, ceux qui vivent dans ce jardin non-performant et non-productif sont autonomes: ils ont un potager, des vaches qui donnent du lait, ils fabriquent leur fromage et leur pain. Ils vivent surtout en harmonie avec la nature et leur nature, sans stress. J’aime ces concepts de non-performance et d’autonomie.
Voici ce que je propose. Suivre le cours de la vie, l’observer et la respecter. Planter des arbres de toutes sortes qui aideront les arbustes à petits fruits à grandir. Ceux-ci engraisseront à leur tour naturellement les plants à leurs côtés. Des aidants naturels repousseront les insectes nuisibles et attireront les pollinisateurs convoités. Une harmonie naturelle s'installe. Des petits animaux contribuent à cette écologie. Le design du jardin est pensé afin que tous les éléments, dont l’homme, s’entraident pour former un oasis qui nourrira les enfants qui auront participer à sa création.
Une agriculture plus saine
La permaculture est évidemment biologique. Que ce soit en élevage ou en champs, vivement revenir à ce que nous étions: au respect des animaux libres, en plein air et qui mangent ce qu’ils devraient manger, non pas du maïs! Les vaches, les poules et tous les autres animaux sont faits pour être dehors, debout sur leurs pattes, à manger de l’herbe, dans les champs (pas à être entassés les uns sur les autres sans voir la lumière du jour!).
Les pesticides sont des produits chimiques extrêmement puissants. La végétation en contact avec eux autour des champs est calcinée.
Pour engraisser nos potagers ou nos terres, pourquoi ne pas composter? Il est facile à produire et peut se faire partout; même lorsqu’on habite en appartement car il existe diverses possibilités pour répondre aux besoins de chacun. Dans mon cas, je mets tout simplement nos restes végétaux (pelures, marc de café, thé, etc.) dans un contenant en pyrex de quatre litres dont je dépose le contenu ensuite à l’extérieur. Je peux vous garantir que ça ne sent pas mauvais. Les poubelles dégagent des odeurs, mais pas le compost. Le mien est sur le comptoir jour et nuit (et on le vide quotidiennement dans le composteur). Il n’est en rien désagréable. On se rend rapidement compte à quel point le compost peu réduire considérablement notre quantité de déchets. La différence est impressionnante. Une famille peut passer d'un grand sac d'ordures par semaine à un petit sac d’épicerie.À grande échelle, il n'y a rien comme les débris végétaux (surtout les verts) mélangé au fumier pour préparer une terre.
Connaître la terre qui nous nourrit, refaire les liens
Pour changer nos façons de faire, il faut d’abord prendre le temps de bien connaître la terre qui nous nourrit. Avant, il n'y a pas si longtemps, nous savions que nous dépendions de la terre, de l’eau, de l’air et du soleil. Cette idée s’est perdue quelque part, en cours de route.
Les enfants, eux, ont perdu le contact avec la nature et c’est la raison pour laquelle j’ai envie de faire un jardin pour eux. Tentons de tout faire pour minimiser l’impact de nos horaires sur leur qualité de vie. Que ces enfants puissent enfin jouer dehors plutôt que d’attendre leurs parents entre quatre murs. Nous pouvons faire l’effort de nous accorder à leurs besoins (d’être à l’extérieur, entre autres), alors qu’ils sont en majeure partie accordés à notre train de vie. J’ai envie de faire un jardin où les enfants apprendront ce que sont la terre et l’agriculture et où ils sauront d’où vient notre nourriture. Nous dépendons de la terre. Si nous voulons que les enfants la protègent plus tard, ils doivent la connaître. Un enfant laissé dans la nature s'y retrouvera automatiquement en harmonie et il n’aura pas besoin de plus.
Au Pérou, on dit aux enfants que les montagnes qu’ils voient sont comme des dieux; c’est grâce à l’ombre de celles-ci qu’ils sont en vie et qu’ils peuvent manger. Imaginez comment ils en prennent soin! Ici, on dit que les montagnes cachent de l’or, que les eaux cachent du pétrole, etc. Pour les premiers, la nature est sacrée, mais pour nous, elle est une ressource.
La vie étant faite de rencontres et de coïncidences heureuses pour faire avancer ce qui se doit d’exister a, encore une fois, mis sur mon chemin au moment opportun un allié d’exception. Un des pionniers en permaculture au Québec, Bernard Alonso. Il me donne des idées qui fascinent les jeunes, comme la glissade dans la paille de la basse-cour ou les lutins à trouver dans la forêt magique. J’y ajouterai mes rêves pour combler les besoins des écoliers. Nous pensons aussi qu'un jardin d'Éden peut s'inscrire dans une perspective de ceinture verte de Montréal (nous ne nous y attardons pas assez, il est vital que les grandes villes protègent leurs végétations, nous sommes un peu en retard à ce sujet) ainsi qu'un exemple à petite échelle d’autosuffisance alimentaire.
Soigner, c’est aimer
Le jardin est une occasion unique pour les enfants d’aller jouer dehors, de respirer du bon air et d’être en contact avec la nature. Ils le sont si peu aujourd’hui. Force est de constater qu'une majorité de leurs problèmes viennent de ce manque. Que les enfants apprennent aussi par expérience directe à connaître la terre qui les nourrit, comme dans le temps où les ils pouvaient jouer dehors sans crainte. Il a été démontré que soigner (plantes comme poules pondeuses, des oies, des lapins, des canards, etc.) permet de réduire la violence et le décrochage en plus de faire un bien fou à l'âme. Céline Cousteau, petite fille de, me disait au cours d'une agréable soirée qu'à New York, on soigne les enfants avec le jardinage.
Les jardins organiques diversifient les niches écologiques et visent l’autonomie alimentaire, la préservation de notre verdure et la création d’un héritage pour nos enfants, plutôt que de simplement surexploiter la terre et de malheureusement ultimement le rendre stérile.
Cette complicité avec la nature contribue au bonheur et est une école formidable sur la vie ainsi que sur la terre nourricière (toucher à la culture au moins une fois dans la vie!) Cet univers idéal, j’aimerais le voir s’étendre ailleurs pour le bien-être de tous les enfants... et de la planète.