Quatre mois sont prévus pour la reconstruction. Il semble que nous pourrons vous recevoir dans un bel endroit d'ici là.« Jacynthe la boutique est en feu »
Samedi 5 janvier, début d'année & nouvelle lune. Nous ne sommes pas à la maison. Les filles arrivaient pour ouvrir la boutique, notre première belle petite boutique de La Prairie et aussi, notre bureau chef. Elles ont d'abord alerté les pompiers qui ont exigé que personne ne rentre. On ne l'entend pas assez; une entrée d'air, une ouverture de porte ou un bris de fenêtre peuvent entraîner une vive flambée des lieux, voire une explosion. Elles nous témoignent d'une boucane noire intense qui assombrit tout l'intérieur puis nous diffusent en direct l'arrivée des pompiers, et rapidement leurs découvertes. Que s'est-il passé? Est-ce le chauffage? Un problème électrique?
Nous connaissons (grâce à nos événements annuels) l'enquêteur pompier sur les lieux, Marc-Antoine Geoffrion. Le feu s'est déclenché la veille autour de 22 heures dans la brassée de lavage, propre, laissée sur une chaise. Il a fait le tour du mobilier jusqu'aux rideaux puis s'est éteint par lui-même par manque d'air. La boucane a terminé le ravage en prenant toute la place et s'infiltrant partout.
Dans la brassée de lavage vous demandez?
Vous connaissez le principe de l'huile de lin qu'on applique sur le bois en guise de lustre et protection? Avec toutes huiles végétales, nous voici sensiblement avec les mêmes précautions et dangers d'usage. De l'huile d'olive en cuisine aux mélanges d'huiles utilisées pour le visage ou en massage. Ainsi, salons et spas ont goûté aux flammes avant nous. Mais cette connaissance n'est pas répandue aux individus; un maître pompier de 25 ans d'expérience nous avouait n'avoir jamais rien vu de tel encore. D'où ce partage, relu et appuyé par un ingénieur mécanique et directeur de recherche en incendie.
Les huiles végétales dégagent une chaleur (l'huile de lin étant celle qui représente le plus de risques). Si elles n'ont pas la possibilité d'évacuer cette chaleur au contact de l'air ambiant, par conversion, par exemple lorsqu'elles sont prises sur un support poreux (serviettes), plié ou "en moton", ce phénomène exothermique s'accélère jusqu'à carboniser le tissu et l'allumer, passant de l'auto-échauffement à l'auto-allumage. Toutes huiles végétales, à différents degrés, doivent s'oxyder en contact avec l'air. Les conditions exactes et propices doivent être au rendez-vous pour causer un incendie (le fumeur qui jette sa cigarette active dans une poubelle ne déclenche pas automatiquement un feu). Ce n'est pas fréquent mais le danger existe. L'utilisation de la sécheuse a sûrement amplifié les probabilités d'auto-échauffement même s'il s'active déjà à température ambiante (je rappelle que la brassée de lavage était propre, le cycle s'est terminé à 16hres, le risque d'auto-échauffement dure jusqu'à 10 heures). Le support doit aussi être imbibé mais le point de départ peut être microscopique. Malgré nos penchants écologiques, nous nous tournons maintenant vers un savon aux enzymes pour détruire l'aspect inflammable des huiles végétales. Autre solution aussi pour éviter tous les risques en favorisant l'oxydation, il suffit d'étendre à plat, sur une corde ou un support, ce qui permet le plus de contact à l'air. On évite l'empilage dans le panier à linge. Ainsi, si vous ramassez un dégât d'huile olive au plancher avec une débarbouillette, suspendez-la afin que ses surfaces recto et verso soient en contact avec l'air, une dizaine d'heures, pour éviter tout danger.
Maintenant, quel étonnement qui a fait en sorte que pour nous, cet événement devienne un symbole fort et empreint de protection : le feu s'éteint par lui-même par manque d'air. Quelle incroyable chance. Nos bâtiments de bois auraient pu y passer, jusqu'aux animaux.
Deuxième chance, personne n'a ouvert la porte alors que le feu était en dormance. Tout le monde est sain et sauf.
La perte est totale à l'intérieur mais cette petite grange de nos débuts, qui nous est si chère au coeur est restée forte et intacte (malgré je le répète que les rideaux se soient enflammés). On tourne seulement la page sur un chapitre du passé, laissant place à de grandioses possibilités. Le meilleur est à venir, après la pluie la beau temps!
Le plus émouvant fut d'avoir notre équipe qui se mobilisait samedi et dimanche, sans même qu'on ait à le demander, pour que le lundi, personnel, marchandise et effectifs soient déjà relocalisés et que se poursuivent sans attendre nos belles activités. Une dévotion rare. Autant les pompiers, inspecteurs et enquêteurs que nos amis, famille et nos collaborateurs venus d'ailleurs n'en avaient encore jamais vu autant.
Alors cette histoire n'en devient que richement magnifiée, touchée par la solidarité et par, je dois l'évoquer, un soutien aussi invisible que magique. Maintenant, je chéris ces journées où plusieurs sont dans notre maison à travailler. La famille. Le coeur. Les liens. Notre enfant saluant et jouant avec une et l'autre. D'une beauté qui touche et fait chérir la vie.
La cause de l'incendie
Écrit par: Jacynthe
| Publié le: 8 janvier 2019