Noir est le nouveau vert

Écrit par: Jacynthe
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Publié le: 17 juin 2020
Noir est le nouveau vert

Danièle Starenkyj

Auteur et conférencière internationale

Jeunes citadins, frais émoulus de l’université, nous avions fait le choix de la simplicité, et nous nous étions retrouvés sur un lopin de terre dans le huitième rang d’un petit village dans le comté de Bellechasse.

Pomper son eau à bras, rentrer son bois à pleines brassées, et chauffer un vieux poêle royal Bélanger… Écouter le silence. Sourire aux étoiles. Marcher dans le vent. S’extasier à la vue d’un orignal. Rêver d’un grand jardin… et s’y mettre à la sueur de notre front.

Notre première décision pour ce jardin fut d’utiliser des matières végétales pour le fertiliser. Nous avons acheté une déchiqueteuse et avons réduit en miettes des amoncellements de feuilles d’érable que nous avons enfouies dans notre sol. Les résultats émerveillèrent nos voisins. Tout le rang se mit à jardiner. La vie était revenue dans ce coin perdu.

Le temps passe. Au détour de mes recherches, je découvre le visage phénoménal de mon petit docteur. Son action étonnante dans la détoxication, les intoxications, les empoisonnements, les toxicomanies, et tellement plus… Oui, son usage vétérinaire, mais aussi agricole. Un premier article paru en 1959 dans la revue Nature parle de l’effet insecticide de cette poudre de carbone pur. Je fouille plus en profondeur. On parle de sa capacité à dépolluer les sols des herbicides. On le nomme : « l’agent absorbant universel de la majorité des herbicides ». On découvre qu’il améliore la croissance des plantes en adsorbant les inhibiteurs de croissance, en empêchant la croissance des cals non désirés, en favorisant la morphogenèse et en améliorant le développement des racines. On le déclare excellent dans la culture de la vigne, des roses, et particulièrement des orchidées.

MAIS… le plus extraordinaire fut sa présentation à la conférence de Copenhague de 2009 qui l’a inscrit au programme des stratégies visant à réduire les gaz à effet de serre… Mon petit docteur, couronné au XXIe siècle, « puits à carbone » écologique et « puissant levier » pour limiter le changement climatique, a été acclamé comme une solution au réchauffement global de notre planète.

En effet, enfoui dans le sol, le charbon végétal – oui, il s’agit de mon petit docteur en passe de devenir un docteur prodigieux– piège et stocke à long terme le carbone de l’atmosphère -- CO2, méthane, protoxyde d’azote (N2O) --.

Selon le Professeur Lehman de l’Université Cornell (É.U.), l’emploi du charbon pour amender les sols dans notre monde pourrait nous débarrasser d’un à deux milliards de tonnes de carbone par an. Et cela, tout en nourrissant nos sols, en améliorant nos cultures, et en nous permettant de remplacer les engrais azotés (1).

Bon, je m’arrête là. Sitôt su, sitôt mis en pratique. Depuis trois ans, cette fois-ci dans l’Estrie, nous jardinons avec des feuilles et du charbon en poudre. Les résultats sont tout simplement époustouflants. C’est le nouveau vert ! En attendant sa reconnaissance universelle, le charbon millénaire – c’est juste, il y a 3,500 ans, il servait déjà pour la conservation des momies, des piquets de clôture et des réserves d’eau potable – nous présente toujours et encore le même visage : celui de la grâce…


  1. Toutes les références, et beaucoup plus, se trouvent dans le livre de Danièle Starenkyj Mon petit docteur, nouvelle édition revue et augmentée, Orion, 2012.
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