ÊTRE PARENT ET LE RESTER À L’ÈRE CATHODIQUE

Written by: Jacynthe
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Published on: December 8, 2015
ÊTRE PARENT ET LE RESTER À L’ÈRE CATHODIQUE

DEVENIR PARENT -- UNE AUTRE MANIÈRE DE VOIR LE DON DE LA VIE ET DE S’Y PRÉPARER

ÊTRE PARENT ET LE RESTER À L’ÈRE CATHODIQUE

Danièle Starenkyj©2015 www. publicationsorion.com

L’arithmétique de base de l’humanité depuis la nuit des temps est un homme et une femme, un père et une mère. Cela devrait amplement suffire. Et, même sans avoir à recourir à la science qui le prouve indubitablement, qui ne peut acquiescer à la réalité d’une complexité exponentielle aux conséquences douloureuses chaque fois que l’on ajoute à ce calcul simple1 ?

Et voilà qu’au XXIe siècle, des observateurs alarmés ont dénoncé et condamné la présence, dans la vie de l’enfant, de la naissance à l’âge adulte, d’un « troisième parent cathodique2 ». Ils ont décrit ce « parent » comme pénétrant insidieusement l’intimité psychique de nos enfants dans le but mercantile de susciter chez eux des comportements de dépendance (tabac, alcool, sexe, drogues, aliments camelotes, etc.), de conduite ou d’achat aux effets sanitaires dévastateurs (obésité, sédentarisme, troubles attentionnels, troubles du comportement, violence, etc.). Un troisième parent aussi maléfique que ça ? Mais quel est-il ?

1950 est une date charnière de la civilisation moderne. Entre autres choses, la télévision s’invite rapidement dans les foyers. En 1962, 75% des foyers américains sont colonisés. Aujourd’hui, plus de 99% des ménages américains3 sont propriétaires d’au moins un poste bien placé en position centrale afin d’en faciliter l’accès. Le temps télévisuel rythme les repas, l’heure du coucher, le moment des devoirs.

L’écran, peut-on lire, est devenu un média universel. Omniprésent – non seulement dans le salon, mais aussi dans la cuisine, et dans chaque chambre à coucher4, dans la voiture, dans l’atelier -- on ne peut plus ignorer qu’il est « un facteur majeur de socialisation » qui « domine la vie des enfants dans les zones urbaines et rurales électrifiées à travers le monde5 ».

La liste des effets négatifs de « la boîte à images », et en fait, de tous les médias électroniques sur le bien-être mental et physique des enfants, est longue. En 20o6, Waldman de l’Université Cornell ajoutait à cette liste noire l’autisme, la télévision pouvant, chez des sujets prédisposés, constituer un facteur de déclenchement6. Mais ce qui me désole vraiment profondément est ce rôle de troisième parent dont on la targue…

Certes, à l’écran géant d’aujourd’hui – autrefois on parlait de la petite lucarne -- on parle, bouge, bombarde de couleurs, de formes, et d’informations le jeune téléspectateur. L’écran se veut éducatif au plus haut point, stimulant, et offrant un milieu « enrichi » dès les premiers mois de la vie. Les promesses des tenants de l’éducation télévisuelle sont très alléchantes : bébé sera un Einstein. En avance sur tous les autres enfants, il arrivera à la maternelle en sachant déjà lire, il passera son bac à 14 ans, et… Non, la réalité est que plus l’enfant aura ingurgité d’heures de télé, plus il risquera de quitter l’école sans aucun diplôme 7. C’est vraiment incontournable, « diligence, intelligence, lecture, langage, attention et imagination ne sortent pas indemnes du courant cathodique8 ».

A contrario, de nombreuses études prouvent que le développement de l’enfant – tout comme celui des rats de laboratoire – exige pour être optimal, une abondance de stimulations sensorielles humaines : l’enfant a besoin d’être regardé affectueusement dans les yeux ; d’être touché, caressé, porté ; d’être remarqué, écouté attentivement sans aucune autre distraction 9. Ce genre d’interactions ne peut survenir qu’entre deux humains en présence l’un de l’autre. Lui seul permet alors la fabrication de «plusieurs milliers de milliards de liaisons intercellulaires supplémentaires10» dans le cerveau du petit.

Pourquoi ? La grande vérité oubliée par notre société accro et hypnotisée par « la drogue à brancher11 » est que « l’encéphale ne s’organise pas en observant -- en télévisionnant – le réel, mais en agissant sur lui12. » L’interaction du sujet – l’enfant – avec son milieu – ses parents, sa fratrie – est source de connaissance et d’acquisition des compétences propres à l’humain qui possède un cerveau aux possibilités infinies. Les compétences humaines ne s’acquièrent pas par leur observation passive mais toujours par leur pratique active. Allons ! Apprend-on à dessiner en se contentant de regarder quelqu’un dessiner ? Devient-on un pro du tennis en regardant des matchs de tennis à la télé ou un pianiste virtuose en se contentant d’écouter de jeunes prodiges ?

Les chercheurs parlent maintenant d’« un déficit vidéo ». Que veulent-ils dire ? Je cite : « Si vous mettez l’enfant devant une télé, il pourra parfois apprendre quelque chose, mais ce quelque chose sera toujours notablement inférieur à ce qu’il aurait appris d’une interaction effective avec son environnement13. »

Je bondis. Il n’y a pas un enfant sur cette terre qui a besoin d’un troisième parent, surtout si celui-ci est un écran – serait-il plat, géant et en haute définition -- qui ne répond pas lorsqu’il appelle, qui reste indifférent quand il sourit, qui ne tourne pas la tête quand il lui fait signe de la main, qui ne s’arrête pas de parler quand il essaie de balbutier quelques mots. Depuis quand apprendre à communiquer peut être merveilleux dans « la froide indifférence d’un locuteur à la fois sourd et aveugle » ?

La maman la plus simple réagit quand son enfant agit. Quand il essaie de dire un mot, elle l’encourage, puis sourit, et s’exclame avec des bravos. Elle établit un rapport avec son enfant, suit son développement, s’y adapte, y répond avec enthousiasme. C’est la sociabilité intrafamiliale qui est le moteur de la croissance de l’enfant. Le poste est un voleur de temps familial. Il réduit les interactions parents-enfants. Il affecte la qualité de l’attention que ceux-ci portent à leur enfant. Pensez-y, la télévision empêche l’enfant de parler, et si elle est allumée quatre heures par jour elle prive l’enfant de la totalité des mots que son père pourrait lui dire si elle était silencieuse14. « Or, le nombre de mots entendus et prononcés avant 3 ans est un indicateur majeur des performances linguistiques et cognitives à venir15. » Le langage étant prédictif de l’intelligence, cela donne froid au dos.

C’était Noël, la fête de la famille. Parents, l'avez-vous passée avec vos enfants sans aucune interférence télévisuelle? Nous pouvons, au quotidien, l'instant de moments précieux, mettre à la porte « le troisième parent cathodique ». Que vos échanges interpersonnels ne soient aucunement interrompus par des pics sonores ou visuels qui toujours distraient et détournent l’attention du moment présent, du moment enchanteur où l’on peut dire, faire sentir, prouver à l’autre qu’il est pour nous unique au monde. Car l’amour c’est toujours obligatoirement le temps que l’on donne gratuitement à l’enfant, au conjoint, au gueux.

À vous tous gens de bonne volonté, Bonne année!

Danièle Starenkyj ©2015 publicationsorion.com

1. Starenkyj D., Réflexions pour une vie meilleure, Orion, 2015.

2. Les informations et les citations sont tirées du livre de Michel Desmurget, docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’INSERM (France), TV Lobotomie, Max Milo Éditions, Paris, 2011. Cathodique : au sens figuré -- relatif à la télévision en tant que média, moyen d’expression.

3. Ces chiffres valent maintenant pour tous les pays développés. En Afrique, l’UNESCO signale un taux de pénétration proche de 85 %.

4. Aux États-Unis, 70 % des enfants de 8 ans et plus ont une télévision dans leur chambre à coucher.

5. Desmurget M., TV Lobotomie, p. 50.

6. Waldman M., Does Television Cause Autism ? NBER Working Paper No. 12632. Publié en octobre 2006.

7. Desmurget M., TV Lobotomie, p.183.

8. Desmurget M., TV Lobotomie, p. 132.

9. Campbell R., Comment vraiment aimer votre enfant, Orion, 2012.

10. Desmurget M., TV Lobotomie, p. 158

11. Winn M., The Plug-in-Drug, Penguin Group, 2002.

12. Desmurget M., TV Lobotomie, p.160.

13. Desmurget M., TV Lobotomie, p.164.

14. Desmurget M., TV Lobotomie, p.176.

15. Desmurget M., TV Lobotomie, p. 175.

Crédit photo: Marïphotographie

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